6.3 Comme l’a noté l’IP 26, l’éthique est
une accumulation de valeurs et de principes qui abordent les questions de ce qui est bon ou mauvais dans les affaires humaines. L’éthique recherche les raisons d’agir ou de s’abstenir d’agir ; d’approuver ou de ne pas approuver une conduite ; de croire ou de nier quelque chose à propos d’une conduite vertueuse ou vicieuse ou de règles bonnes ou mauvaises.
6.4 Les considérations éthiques peuvent être abordées au niveau individuel et au niveau sociétal. La manière dont les individus sont affectés par la conduite des autres mérite une considération éthique. Les effets sur une personne d’être informée que son père est mort de la maladie de Huntington (et que, par conséquent, il y a une chance sur deux qu’elle ait hérité de la mutation génétique) peuvent être personnellement et profondément nuisibles. Le risque de préjudice pour cette personne devient une considération éthique essentielle pour décider quelles informations divulguer et comment les divulguer. Ce risque devra être mis en balance avec les intérêts éthiques du respect de l’autonomie de la personne concernée, et de son choix de savoir ou non.
6.5 La révélation d’une information génétique a des implications éthiques importantes pour les individus en tant que membres de la famille. Ils sont vulnérables aux effets de l’information sur la perception qu’ils ont d’eux-mêmes et de la divulgation de l’information sur les relations familiales et le sens de la vie privée. La découverte par un grand-père qu’il est porteur de la mutation génétique qui handicape son petit-fils peut modifier et nuire à sa perception de lui-même et à ses relations avec ses descendants. Il peut également s’inquiéter de la manière dont la confidentialité de cette information sera protégée et du fait que cette information ne conduira pas à un traitement différent de lui-même ou de ses descendants. De ces manières, les intérêts individuels sont liés aux intérêts familiaux et sociétaux.
6.6 La manière dont une société régit la divulgation de ces informations et la mesure dans laquelle ses lois ou autres cadres réglementaires contrôlent ce qui peut être divulgué, expriment la manière dont une société équilibre les risques et les intérêts personnels par rapport aux autres risques et intérêts familiaux, communautaires ou sociétaux. Interdire la divulgation d’informations génétiques, afin de prévenir le type de préjudice que pourrait subir une personne exposée à la maladie de Huntington, pourrait ne pas refléter de manière adéquate les besoins des autres. De la mise en balance des considérations éthiques, on peut tirer des solutions souples qui tiennent compte des intérêts des individus et des besoins des familles et de la société.
6.7 De cette manière, les considérations éthiques reflètent le type de société dans laquelle nous vivons ou choisirions de vivre. Comme l’explique la DP 66 :
Bien que le terme « éthique » soit utilisé dans une grande variété de sens, sa signification se rapporte constamment à un « ethos » ou à un « mode de vie »
6.8 Le mode de vie d’une société ou d’une communauté peut être reflété dans les lois qu’elle adopte. Le fondement de ces lois peut être décrit comme l’ethos de la société, de sorte qu’elles expriment l’éthique de cette société. En effet, les réponses à certaines des questions posées dans cette enquête sont déjà fournies par les lois existantes. Par exemple, les lois sur la protection de la vie privée interdisent la collecte, l’utilisation ou la divulgation d’informations génétiques sans consentement, sauf dans des circonstances limitées. De même, les lois anti-discrimination interdisent de s’appuyer sur les informations génétiques de manière injuste.
6.9 On peut faire valoir que l’éthique exprime les considérations fondamentales qui informent toute décision sociétale. L’éthique rassemble et intègre les intérêts pertinents, individuels, familiaux, communautaires et sociétaux. L’éthique peut avoir une fonction intégrative dans le contexte de la biotechnologie :
Les jugements éthiques ne sont pas des jugements autonomes, mais plutôt des jugements intégratifs, holistiques ou » tout bien considéré « . Le théoricien canadien de la morale Thomas Hurka a bien exprimé ce point dans un livre sur l’éthique du réchauffement climatique :
Un jugement éthique sur la politique climatique n’est pas un jugement parmi d’autres, à mettre en balance avec des jugements économiques, politiques et autres pour décider comment, tout bien considéré, agir. Il s’agit en soi d’un jugement global, qui tient compte de facteurs économiques et autres. Si une politique climatique est bonne, elle est simplement bonne ; si elle est éthiquement mauvaise, elle est mauvaise, point final.
C’est-à-dire que, pour porter un jugement éthique sur le réchauffement climatique ou la biotechnologie, l' »éthique » n’est pas un facteur à prendre en compte à côté d’autres facteurs, comme les facteurs juridiques, scientifiques ou économiques. Un jugement éthique sain implique plutôt l’intégration de tous les facteurs pertinents. Le jugement d’un expert étant pertinent pour la reconnaissance et la compréhension des facteurs pertinents et de leur interaction, une expertise combinée est essentielle. Dans cette entreprise conjointe, ce que les éthiciens peuvent apporter sur la base de la théorie éthique et du travail en éthique appliquée, c’est une aide à la compréhension des manières complexes dont les jugements intégratifs peuvent être faits, critiqués et justifiés.
6.10 Le langage dans lequel l’éthique est exprimée comprend deux types distincts d’énoncés. L’éthique contient des affirmations sur ce qui est bon ou mauvais, ce qui doit ou ne doit pas être fait et les motifs de ces affirmations. Par exemple, les chercheurs devraient, d’un point de vue éthique, demander le consentement des personnes pour utiliser leurs informations génétiques dans la recherche, car cela respecte leur autonomie et leur liberté de choix. Ou, à l’inverse, les chercheurs devraient être libres d’utiliser des informations génétiques codées dans la recherche sans consentement, car cela permettra d’utiliser davantage d’informations et de mener de meilleures recherches. En conséquence, tous les membres de la société, y compris ceux dont les informations sont utilisées, en bénéficieront. Ces déclarations sont souvent appelées déclarations normatives – ce sont des déclarations sur la façon dont, et pourquoi, les gens devraient se comporter.
6.11 L’éthique contient également des déclarations sur les types de justifications qui sont utilisées dans les déclarations normatives. Par exemple, le respect de l’autonomie d’une personne est un principe de l' » éthique principliste « . Agir pour obtenir le meilleur résultat est, par contre, une justification basée sur les conséquences et non sur les principes. Ces justifications sont appelées « éthique conséquentialiste ». Une grande partie du contenu de ce chapitre fait appel à des déclarations normatives. Il décrit l’éventail des considérations éthiques susceptibles d’être invoquées pour prendre et justifier des décisions concernant l’information génétique. Les réponses réglementaires recommandées dans ce rapport pour protéger l’information génétique reflètent un équilibre entre ces considérations.
L’Australian Law Reform Commission et l’Australian Health Ethics Committee, Protection of Human Genetic Information, IP 26 (2001), ALRC, Sydney, 106.
Australian Law Reform Commission and Australian Health Ethics Committee, Protection of Human Genetic Information, DP 66 (2002), ALRC, Sydney, 291.
K Liddell, Submission G141, 23 mars 2002.
M McDonald, Biotechnology, Ethics and Government : Une synthèse, Comité consultatif canadien de la biotechnologie, <www.cbac-cccb.ca/>, 7 février 2003, 6.
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