Note de l’éditeur : (David A. Andelman, directeur exécutif du RedLines Project, est un contributeur de CNN où ses chroniques ont remporté le Deadline Club Award for Best Opinion Writing. Auteur de « A Shattered Peace : Versailles 1919 et le prix que nous payons aujourd’hui », et du prochain « A Red Line in the Sand : Diplomacy, Strategy and a History of Wars That Almost Happened », il a été correspondant à l’étranger pour le New York Times et CBS News en Europe et en Asie. Suivez-le sur Twitter @DavidAndelman. Les opinions exprimées dans ce commentaire sont les siennes. Voir plus d’opinion sur CNN).

(CNN) Le président français de 42 ans, Emmanuel Macron, qui a dû faire face à de nombreux défis pour gouverner son pays, se positionne désormais pour prendre le manteau du leadership mondial longtemps réservé aux dirigeants plus âgés de la Chine, de la Russie ou surtout des États-Unis. Et pour l’instant, il n’a pas de véritables challengers.

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Le véhicule de cette campagne de leadership est la proposition de Macron pour un cessez-le-feu mondial — une trêve partout de l’Afghanistan à la Syrie, l’Irak et le Yémen.

Et il dit avoir fait une bonne partie du chemin. Il y a cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (France, Chine, Russie, Grande-Bretagne et États-Unis) et quatre des cinq sont à bord, selon Macron.

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Macron dit aussi qu’il espère obtenir l’accord du dernier membre, le Russe Vladimir Poutine, dans les heures qui viennent. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, avait déjà appelé à un « cessez-le-feu immédiat et mondial », observant que « la fureur du virus illustre la folie de la guerre », mais sans réelle adhésion jusqu’à ce que Macron intervienne.

Il est clair qu’une telle action ne permettrait pas d’éradiquer certains des plus grands défis à la paix mondiale. Même avec le soutien de l’ensemble du Conseil de sécurité, rien ne garantit que les talibans afghans ou leurs partisans pakistanais feront baisser la température sur place. La Russie et la Turquie maintiennent leur présence en Syrie, dont le dictateur Bachar el-Assad sera peu enclin à laisser un peu de répit aux insurgés qui poursuivent leurs efforts de plus en plus assiégés pour le déloger.

Les milices soutenues par l’Iran poursuivront leurs opérations en Irak, malgré l’état désespéré de l’Iran face à la pandémie. Les navires de guerre chinois continueront à patrouiller dans la mer de Chine méridionale pour cimenter son emprise sur les îles longtemps contestées de cette voie navigable stratégique.

Pour autant, l’initiative de trêve pourrait être un début. Et Macron a indiqué son intention de l’évoquer avec le G20 lors d’une conférence téléphonique mondiale des ministres des finances du groupe mercredi soir. Le concept a été abordé dans son interview sur Radio France International, lorsque Macron a également lancé l’idée d’un moratoire sur tous les paiements de la dette par les nations africaines comme moyen d’aider à contrôler ce qui promet d’être potentiellement la cible la plus dévastatrice du coronavirus à l’échelle du continent en raison du manque de ressources.

Mais où de telles initiatives de Macron laisseraient-elles les États-Unis ? Clairement avec une présence plus diminuée que jamais sur la scène mondiale à un moment où seule l’action universelle la plus grande et la plus intense peut empêcher une catastrophe mondiale.

Une réaction mondiale a déjà accueilli la promesse inopportune et encore plus mal conçue de Trump de couper toutes les subventions à l’Organisation mondiale de la santé au plus fort du défi le plus profond pour la santé mondiale depuis un siècle.

Macron a déjà adopté une position dure contre certaines des principales puissances mondiales et leurs actions pendant la pandémie. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a convoqué au Quai d’Orsay l’ambassadeur de Chine en France, qui a reçu un coup de langue pour avoir critiqué la réponse occidentale au coronavirus, accusant même les personnels des maisons de retraite françaises d’avoir « abandonné leurs postes du jour au lendemain… et laissé leurs résidents mourir de faim et de maladie. »

Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Zhao Lijian a rapidement fait marche arrière, répudiant les propos de son ambassadeur. Peu de temps après, Macron a ajouté le nom de Xi Jinping à sa liste de soutiens à sa trêve mondiale. Dans le même temps, un certain nombre de pays européens se sont plaints que la Chine leur vendait du matériel médical et des kits de test défectueux. Rien de tout cela n’a calculé pour cimenter Xi en tant que leader vers lequel le monde peut se tourner en cas de besoin.

Tout cela survient alors que la Chine, en particulier, a cherché à rehausser son profil et à assumer un rôle plus important sur la scène mondiale, comblant un vide qu’elle perçoit avec les performances de plus en plus erratiques de Donald Trump et ses positions de plus en plus solitaires.

Pour autant, l’initiative de Macron n’aurait pas pu arriver à un moment plus opportun pour l’Europe. Sur plus de 2 millions de cas de coronavirus dans le monde, la moitié a été enregistrée en Europe.

En outre, un certain nombre de pays européens ont entamé leurs premières démarches timides vers une levée des réglementations de quarantaine. Macron lui-même a suggéré le 11 mai pour la France. La France pourrait être un leader dans cette initiative.

Un certain nombre de pays européens ont également commencé à fermer les frontières — ouvertes depuis des décennies dans le cadre de l’Union européenne sans frontières — à leurs voisins, dans l’espoir de contenir la propagation de la pandémie. Macron a été à l’avant-garde de ceux qui sont impatients que l’UE maintienne son intégrité, ses frontières ouvertes et ses systèmes démocratiques dans le sillage de la sortie de la Grande-Bretagne du continent.

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Dans le même temps, il a pris la tête des pressions, avec succès, pour que l’ensemble du système européen à 26 pays ferme ses frontières extérieures, éventuellement jusqu’en septembre. À l’heure actuelle, elles sont formellement fermées jusqu’au 15 mai.

Dans le même temps, les gouvernements d’extrême droite de Hongrie et de Pologne ont saisi l’occasion d’accroître leurs pouvoirs anti-démocratiques, déjà considérables. Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a reçu un pouvoir quasi illimité du parlement de sa nation pour gouverner par décret. Et la Pologne semble prête à devenir, comme le suggère Piotr Buras, du Conseil européen des relations étrangères, la deuxième autocratie à coronavirus d’Europe.

En effet, il semblerait que le monde pourrait avoir besoin d’un nouveau leader en cette période de crise — un qui est prêt à mettre les intérêts mondiaux au-dessus de l’aggrandissement personnel ou politique. Et jusqu’à ce que les États-Unis soient prêts à offrir un tel individu, il n’y a peut-être pas de meilleur moyen de combler ce vide que la voix jeune et fraîche de la France : Emmanuel Macron.

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