Les dilemmes moraux sont difficiles car il y a souvent de bonnes raisons pour et contre les deux choix. Par exemple, on pourrait soutenir qu’il n’y a pas de mal à tuer une personne si cela permet d’en sauver cinq, parce que davantage de personnes seraient sauvées, mais le fait de tuer lui-même est immoral.
Les jugements et les décisions morales sont souvent motivés par des réponses automatiques et affectives, plutôt que par un raisonnement explicite. Cependant, on ne sait toujours pas si un raisonnement ultérieur peut amener les gens à modifier leur décision initiale.
Dans leur étude, Stanley et ses collègues (2018, Journal of Experimental Psychology : General) ont demandé aux participants de prendre une décision initiale dans un dilemme moral. Ensuite, on a présenté aux participants des raisons affirmant ou s’opposant à leur choix initial, ou des raisons pour les deux options, et on leur a demandé d’évaluer dans quelle mesure chaque raison était convaincante. Enfin, on leur a de nouveau demandé de prendre une décision sur le même dilemme moral.
Dans l’ensemble, peu de participants ont changé leur décision initiale, et ils ont évalué les raisons soutenant leur décision initiale plus fortement que celles soutenant la décision alternative. Ces résultats se sont maintenus pour des dilemmes moraux extrêmes et sacrificiels (par exemple, tuer un bébé qui pleure pour éviter d’être détecté par des soldats ennemis) et banals (par exemple, garder de la monnaie supplémentaire incorrecte), et ne dépendaient pas du fait que les raisons présentées étaient nouvelles pour les participants ou qu’il y avait un délai plus long (un jour) entre la décision initiale et la décision finale.
Ces résultats suggèrent que les décisions morales résistent à la révision parce que les gens s’engagent dans une évaluation biaisée et motivée des raisons disponibles pour affirmer leur réaction affective initiale.
Stanley et ses collègues ont examiné si le raisonnement ultérieur influencerait les propres jugements moraux d’un individu. Cependant, un raisonnement moral explicite est également nécessaire lorsque les jugements moraux doivent être expliqués à d’autres personnes.
Mammen et ses collègues (2018, Psychologie du développement) ont examiné les raisons que les enfants fournissent lorsqu’ils justifient une punition à leurs pairs. L’enfant cible a entendu une histoire sur un personnage transgresseur violant soit une norme morale (par exemple, voler une voiture-jouet), soit une règle sociale spécifique au contexte (par exemple, mettre une voiture jaune dans une boîte verte alors que la règle de la classe est de trier les jouets par couleur). L’enfant neutre entendait une histoire sur un personnage neutre.
Puis, les enfants cibles et neutres étaient réunis et devaient décider en binôme si le transgresseur ou le personnage neutre devait recevoir une récompense. Comme chaque enfant n’a entendu qu’une seule histoire, les enfants ont dû s’expliquer mutuellement pourquoi leur personnage méritait ou non la récompense pour parvenir à une décision.
Les enfants cibles de cinq ans ont produit des justifications plus pertinentes que les enfants cibles de trois ans lorsqu’ils ont expliqué pourquoi le personnage transgresseur devait être puni. Cependant, dans les deux groupes d’âge, les enfants cibles dans la condition de règle sociale avaient tendance à donner des justifications qui expliquaient la règle en utilisant un langage normatif (par exemple, « Elle ne devrait pas mettre la voiture jaune dans la boîte verte »). En revanche, les enfants cibles dans la condition de norme morale fournissaient généralement des justifications qui énonçaient simplement les faits (« Elle a volé »), mais pas la règle (par ex, « Elle ne devrait pas voler »).
Les auteurs interprètent ces résultats pour suggérer que les enfants d’âge préscolaire supposent qu’ils partagent des valeurs morales communes avec leurs pairs qui n’ont pas besoin d’être explicitement énoncées lors de l’explication de leurs jugements moraux.
Citations
- Stanley, M. L., Dougherty, A. M., Yang, B. W., Henne, P., & De Brigard, F. (2018). Les raisons ne vous feront probablement pas changer d’avis : Le rôle des raisons dans la révision des décisions morales. Journal of Experimental Psychology : Général, 147(7), 962-987. http://dx.doi.org/10.1037/xge0000368
- Mammen, M., Köymen, B., & Tomasello, M. (2018). Les raisons que les jeunes enfants donnent à leurs pairs pour expliquer leurs jugements sur les règles morales et conventionnelles. Psychologie du développement, 54(2), 254-262. http://dx.doi.org/10.1037/dev0000424
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