Une représentation fantaisiste du XVIe siècle de Tibère Gracchus, tirée du Promptuarii Iconum Insigniorum de Guillaume Rouillé. siècle de Tibère Gracque tiré du Promptuarii Iconum Insigniorum de Guillaume Rouillé

Article principal : Frères Gracques

Tiberius Gracchus prend ses fonctions de tribun de la plèbe à la fin de l’année 134 av. J.-C. alors que « tout dans la République romaine semblait en bon état de marche. » Il y avait quelques problèmes apparemment mineurs, comme « le désagrément d’une révolte d’esclaves en Sicile » (la première guerre servile).

Au même moment, la société romaine était un système de classes hautement stratifié dont les divisions bouillonnaient sous la surface. Ce système se composait de familles nobles de rang sénatorial, de la classe des chevaliers ou des cavaliers, des citoyens (regroupés en deux ou trois classes selon l’époque – alliés autonomes de Rome, propriétaires terriens et plèbe ou affranchis locataires), des non-citoyens qui vivaient en dehors du sud-ouest de l’Italie et, au bas de l’échelle, des esclaves. Selon la loi, seuls les hommes qui étaient citoyens pouvaient voter dans certaines assemblées, et seuls les hommes qui possédaient un certain nombre de biens immobiliers pouvaient servir dans l’armée, ce qui leur conférait un prestige social et des avantages supplémentaires liés à la citoyenneté. Le gouvernement possédait de grandes étendues de terres agricoles (ager publicus) qu’il avait acquises par conquête ou par déshérence (acquisition auprès de propriétaires morts sans héritiers) ; il les louait à de grands propriétaires terriens qui utilisaient leurs esclaves pour les cultiver ou qui les sous-louaient à de petits métayers. Il existe une certaine mobilité sociale et un suffrage limité. La plèbe était une classe socio-économique, mais aussi un groupe ethnique ayant son propre culte de la déesse Cérès, et enfin un parti politique pendant une grande partie de la République romaine. Ce système social avait été stable après le conflit des ordres, car économiquement, les patriciens et les plébéiens étaient relativement tous deux bien lotis. L’Italie était dominée par de petits propriétaires terriens. Cependant, quelque temps après les guerres puniques, cette situation a changé en raison de divers facteurs. En partie à cause de l’arrivée de céréales bon marché dans l’approvisionnement alimentaire romain, ainsi que du déplacement social causé aux agriculteurs qui devaient servir dans de longues campagnes étrangères en utilisant leurs propres ressources financières et en étant souvent obligés de vendre leurs terres, la campagne a été dominée par de grands domaines (latifundia) appartenant à l’ordre sénatorial. Il en résulte une explosion démographique à Rome même, les plébéiens s’accrochant désespérément à la survie tandis que les patriciens vivent dans la splendeur. Cette inégalité de revenus menaçait gravement les arrangements constitutionnels de la République, puisque tous les soldats devaient être propriétaires, et que progressivement, la propriété était limitée à un petit Sénat, plutôt que d’être répartie uniformément dans la population romaine.

À partir de 133 av. J.-C., Gracchus a tenté de remédier aux griefs des petits propriétaires déplacés. Il contourna le sénat romain et utilisa l’assemblée plébéienne pour faire passer une loi limitant la quantité de terres appartenant à l’État que tout individu pouvait exploiter. Cela aurait entraîné l’éclatement des grandes plantations entretenues par les riches sur des terres publiques et travaillées par des esclaves.

Le plan modéré de réforme agraire de Gracchus était motivé « pour augmenter le nombre de citoyens romains qui possédaient des terres et, par conséquent, le nombre de ceux qui seraient qualifiés de soldats selon leur cote au recensement. » Le plan comprenait une méthode de validation des titres de propriété, et avait pour objectif d’accroître l’efficacité des terres agricoles, tout en distribuant de petites parcelles de terre aux métayers, son électorat populiste. Gracchus utilise une loi en vigueur depuis plus d’un siècle, la lex Hortensia de 287 av. J.-C., qui permet à l’assemblée de la plèbe de contourner le Sénat. Cependant, un autre tribun, Marcus Octavius, a utilisé son veto pour faire échouer le plan. La croyance générale était que les riches sénateurs avaient soudoyé Octavius pour qu’il oppose son veto à la proposition.

La crise s’intensifia : Gracchus pousse l’assemblée à mettre en accusation et à destituer Octavius ; le Sénat refuse les fonds à la commission nécessaire à la réforme agraire ; Gracchus tente alors d’utiliser l’argent d’un fonds fiduciaire laissé par Attalus III de Pergame ; le Sénat bloque cela aussi. À un moment donné, Gracchus demanda à « l’un de ses affranchis… de traîner Octavius hors de l’estrade des orateurs ». Cette agression violait la Lex sacrata, qui interdisait aux personnes de statut inférieur de porter atteinte à la personne d’une personne de classe supérieure. La constitution non écrite de Rome entravait les réformes. Gracchus cherche donc à se faire réélire pour son mandat d’un an, ce qui est sans précédent à une époque où les mandats sont strictement limités. Les nobles oligarques ont répondu en assassinant Gracchus. Parce que Gracchus avait été très populaire auprès des pauvres, et qu’il avait été assassiné alors qu’il travaillait en leur nom, des émeutes de masse ont éclaté dans la ville en réaction à l’assassinat.

Barbette Stanley Spaeth affirme que les rôles de Cérès en tant que (a) patron et protecteur des lois plébéiennes, des droits et des Tribuns et (b) des crimes « normatifs/liminaux », ont continué tout au long de l’ère républicaine. Ces rôles ont été  » exploités à des fins de propagande politique pendant la crise des Gracques…. « 

Le temple de l’Aventin de Cérès servait aux plébéiens de centre de culte, d’archives juridiques, de trésor et de tribunal, fondé simultanément à l’adoption de la Lex sacrata ; les vies et les biens de ceux qui violaient cette loi étaient confisqués par Cérès, dont le jugement était exprimé par ses aediles. Les décrets officiels du Sénat (senatus consulta) étaient placés dans son temple, sous sa tutelle ; Tite-Live affirme sans ambages que cela a été fait pour que les consuls ne puissent plus modifier arbitrairement les lois de Rome. Le temple pouvait également offrir un asile à ceux qui étaient menacés d’arrestation arbitraire par les magistrats patriciens. Cérès était donc la déesse protectrice des lois écrites de Rome ; le poète Vergile l’appellera plus tard legifera Ceres (Cérès porteuse de lois), une traduction de l’épithète grecque de Déméter, thesmophoros. Ceux qui approuvaient le meurtre de Tibère Gracchus en 133 av. J.-C. justifiaient sa mort comme une punition pour son offense à la Lex sacrata de la déesse Cérès : ceux qui déploraient ce meurtre faisaient appel au statut sacro-saint de Gracchus en tant que tribun sous la protection de Cérès. En 70 avant JC, Cicéron fait référence à ce meurtre en rapport avec les lois et les cultes de Cérès.

Spaeth pensait qu’il avait été tué parce que :

Tiberius Gracchus avait transgressé les lois qui protégeaient l’équilibre de l’ordre social et politique, les lois sur la sacrosanctitas du tribun et la tentative de tyrannie, et était donc soumis à la punition qu’elles prescrivaient, la consécration de ses biens et de sa personne .

– Barbette S. Spaeth, La déesse romaine Cérès, p. 74.

Plutôt que de tenter d’expier le meurtre, le Sénat se servit d’une mission au temple de Cérès à Henna (en Sicile) pour justifier son exécution.Les réformes agraires ne furent que partiellement mises en œuvre par la commission ; pourtant, des colonies de Gracques furent créées en Italie et à Carthage.

Environ neuf ans plus tard, le frère cadet de Tibère, Gaius, fit passer des réformes plus radicales. En plus d’installer les pauvres dans des colonies sur les terres conquises par Rome, il fit passer la lex frumentaria, qui donnait aux pauvres le droit d’acheter des céréales à des prix subventionnés.

Auparavant, le sénat éliminait les rivaux politiques soit en créant des commissions judiciaires spéciales, soit en adoptant un senatus consultum ultimum (« décret ultime du sénat »). Ces deux dispositifs permettaient au sénat de contourner les droits ordinaires de procédure régulière dont disposaient tous les citoyens.

Certains des partisans de Gaius ont causé la mort d’un homme, de nombreux historiens soutiennent qu’ils ont été attaqués et qu’ils ont agi en état de légitime défense. Quoi qu’il en soit, la mort a été utilisée par le rival politique de Gaius Gracchus, Lucius Opimius, pour suspendre à nouveau la constitution avec un autre senatus consultum ultimum.

La Constitution est un document de travail.

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