Une carrière prometteuse écourtée
En tant qu’employé du département d’État, la carrière de Hiss s’est rapidement améliorée. Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Hiss en est venu à consacrer son temps et ses talents à la tâche de formuler et de développer la structure d’une organisation permanente de sécurité collective d’après-guerre, qui est devenue les Nations unies. L’expertise de Hiss dans le domaine de l’organisation internationale lui a valu de participer, en tant que fonctionnaire d’assez bas niveau, à la conférence de Dumbarton Oaks en 1943 et d’être sélectionné comme membre de la délégation américaine à la conférence de Yalta en février 1945. Par la suite, il a été nommé à la tête de l’Office of Special Policy Planning du département d’État, puis, en août 1945, secrétaire exécutif de la conférence de San Francisco, au cours de laquelle la Charte des Nations unies a été rédigée et approuvée. Hiss reste au Département d’État jusqu’en février 1947, date à laquelle il accepte le poste de président de la Carnegie Endowment for International Peace.
La carrière prometteuse de Hiss est brusquement brisée par des événements ayant pour origine la confrontation très tendue entre les conservateurs du Congrès et l’administration Truman au début de la guerre froide. Lors d’un témoignage dramatique et largement médiatisé devant la Commission des activités anti-américaines de la Chambre des représentants (HUAC), le 3 août 1948, Whittaker Chambers, ex-communiste avoué et, à l’époque, rédacteur en chef du magazine Time, a identifié Hiss comme membre d’une cellule communiste qui avait opéré à Washington, D.C., au milieu des années 1930. Niant alors que les activités de Hiss incluaient l’espionnage, Chambers a plutôt affirmé que le rôle de Hiss, comme celui des autres individus qu’il a simultanément identifiés comme communistes, était de promouvoir l’infiltration communiste de la bureaucratie fédérale afin de faire progresser la politique communiste.
Demandant le droit de comparaître devant l’HUAC, Hiss a nié les accusations d’appartenance communiste de Chambers (et sa prétention ultérieure à une amitié étroite) et a mis Chambers au défi de répéter les accusations sans l’immunité du Congrès afin qu’il puisse intenter un procès pour diffamation. Chambers l’a fait lors d’une interview du 27 août 1948 dans l’émission « Meet the Press », et Hiss l’a poursuivi pour diffamation. Dans son témoignage au Congrès, Chambers avait répété les allégations qu’il avait faites auparavant sur les activités pro-communistes de Hiss, soit au secrétaire d’État adjoint Adolf Berle en 1939, soit au FBI en 1942, 1945 et 1946. Lors de ces entretiens antérieurs, Chambers s’était également contenté d’accuser Hiss d’appartenance communiste et avait nié disposer de toute preuve susceptible d’étayer des allégations plus graves. En 1945 et 1946, le FBI avait d’ailleurs ouvert une enquête sur Hiss, sans résultat. Dans le même temps, les conservateurs du Congrès dès 1946 étaient en quelque sorte au courant des accusations alors non publiques de Chambers impliquant Hiss.
La confrontation Hiss-Chambers a pris un tour dramatique en novembre-décembre 1948. Le 2 décembre 1948, Chambers a remis à l’avocat de la HUAC 58 cadres de microfilms de documents du Département d’État datés de 1938. Chambers prétendait avoir reçu les documents originaux de Hiss dans les années 30, en sa qualité de coursier pour une opération d’espionnage soviétique. Auparavant, le 17 novembre 1948, lors des audiences préalables au procès impliquant le procès en diffamation de Hiss, Chambers avait produit des copies de deux autres ensembles de documents, également datés de 1938, qui, selon lui, lui avaient été remis par Hiss : des fac-similés dactylographiés de documents originaux du département d’État et des résumés manuscrits d’autres documents, dans l’écriture de Hiss.
Modifiant brusquement son témoignage antérieur, Chambers a par la suite soutenu que sa relation avec Hiss impliquait l’espionnage, ajoutant que Hiss était l’un des espions communistes « les plus zélés » opérant à Washington dans les années 1930. Sur la base de ce nouveau témoignage et des preuves documentaires, le 15 décembre 1948, un grand jury fédéral a inculpé Hiss pour deux chefs d’accusation de parjure : il a nié avoir remis des documents classifiés du Département d’État à Chambers en 1938 et nié avoir rencontré Chambers après 1937. Alors que Hiss n’avait été inculpé que pour parjure, son procès a été publiquement perçu comme une affaire d’espionnage – techniquement, Hiss ne pouvait pas être inculpé pour espionnage puisque l’activité présumée avait eu lieu en 1938, en temps de paix, et qu’il n’y avait pas de second témoin pour corroborer les allégations de Chambers.
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